Ça m'a rappelé celui-ci et ses drôles d'idées :
Et surtout ce drôle de poèmes qu'on m'a fait apprendre en 5e :
Un pauvre honteux
Il l'a tirée
De sa poche percée,
L'a mise sous ses yeux ;
Et l'a bien regardée
En disant : " Malheureux ! "
Il l'a soufflée
De sa bouche humectée ;
Il avait presque peur
D'une horrible pensée
Qui vint le prendre au coeur.
Il l'a mouillée
D'une larme gelée
Qui fondit par hasard ;
Sa chambre était trouée
Encor plus qu'un bazar.
Il l'a frottée
Ne l'a pas réchauffée
A peine il la sentait ;
Car, par le froid pincée,
Elle se retirait.
Il l'a pesée
Comme on pèse une idée,
En l'appuyant sur l'air.
Puis il l'a mesurée
Avec du fil de fer.
Il l'a touchée
De sa lèvre ridée. -
D'un frénétique effroi
Elle s'est écriée :
Adieu, embrasse-moi !
Il l'a baisée,
Et après l'a croisée
Sur l'horloge du corps,
Qui rendait, mal montée,
De mats et lourds accords.
Il l'a palpée
D'une main décidée
A la faire mourir. -
- Oui, c'est une bouchée
Dont on peut se nourrir.
Il l'a pliée,
Il l'a cassée,
Il l'a placée,
Il l'a coupée ;
Il l'a lavée,
Il l'a portée,
Il l'a grillée,
Il l'a mangée.
Quand il n'était pas grand on lui avait dit : Si tu as faim, mange une de tes mains.
Xavier Forneret (1809-1884)
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La même année, on a étudié Attente de la mort de Supervielle... Tout un programme.
N'empêche que je me souviens toujours de ce poème, et plutôt avec plaisir (je n'avais pas compris qu'il s'agissait de l'attente de la mort !-). Jugez-en vous-mêmes :
Une paillote au Paraguay
Où j'attendrais dans un hamac
Celle qui vient bien toute seule.
Où j'attendrais dans un hamac
Celle qui vient bien toute seule.
Un bœuf gris passerait la tête
Et ruminerait devant moi,
J'aurais tout le temps de le voir.
Et ruminerait devant moi,
J'aurais tout le temps de le voir.
Un chien entrerait assoiffé,
Et courant à mon pot à eau
Il y boirait, boirait, boirait.
Et courant à mon pot à eau
Il y boirait, boirait, boirait.
Enfin il me regarderait
Et de sa langue rouge et claire
Des gouttes tomberaient à terre.
Des oiseaux couperaient le jour
De la porte dans leurs vols vifs.
Et pas un homme pas un homme!
De la porte dans leurs vols vifs.
Et pas un homme pas un homme!
Je serai moi-même évasif.
J'adore ces deux derniers vers !
À l'époque, j'avais même décidé de devenir, plus tard, quand je serai grand, moi-même-évasif. Je n'en suis pas si loin !
Et puisque nous somme tous mourants, j'aime autant attendre la fin paisiblement.
(cf Matthieu 6-27 Qui d’entre vous, en se faisant du souci, peut ajouter une coudée à la longueur de sa vie ?)
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